Modifié le 6 février 2025 par epargnebourse.fr
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« Les marchés peuvent rester irrationnels plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable. »
John Maynard Keynes, économiste Anglais
Ma formation d’ingénieur autant que ma personnalité font de moi une personne rationnelle. Pendant longtemps, j’ai eu du mal à comprendre que les marchés sont dominés par les émotions. Je l’ai depuis accepté et j’arrive à utiliser cela à mon avantage.
Pour le grand public aussi, les marchés financiers, sont le terrain de jeux d’analystes rationnels, de traders au sang froid, de Quants (spécialistes des mathématiques appliquées aux marchés), et même d’algorithmes et d’IA.
Mais comme l’histoire des bulles, des krachs, des explosions de cours à la hausse ou à la baisse nous l’a montré, les marchés ne sont pas seulement dominés par la rationalité.
Les marchés sont aussi des arènes où s’affrontent les émotions humaines. L’agrégation de ces émotions humaines, constitue ce que l’on qualifie de psychologie du marché.
Contexte de la psychologie des marchés
En paraphrasant ce qu’écrivait Lars TVEDE dans son excellent ouvrage : « La Psychologie des Marchés Financiers » : Les marchés obéissent à quatre lois immuables qui sont le substrat dans lequel prospère la psychologie des marchés :
- Les marchés anticipent.
- Les marchés sont peuplés de foules irrationnelles.
- Le chaos au sens mathématique du terme règne sur les marchés.
- Les marchés sont auto-réalisateurs.
Ces quatre lois agissent à chaque instant en toile de fond, elles pèsent sur chacune des décisions des investisseurs.
Elles mettent les capacités de réflexion à l’épreuve, elles pèsent sur le mental, sur la psychologie des acteurs du marché.
Les marchés anticipent
Les marchés sont la plus gigantesque des machines à prévoir le futur. Chaque jour, chaque seconde, les intervenants de marché doivent deviner ce qui se cache à droite des graphiques, dans la partie qui n’existe pas encore.
Qu’il s’agisse de parier sur l’évolution de l’Euro contre le Dollar pour les 10 prochaines secondes, ou d’estimer le prochain trimestre des ventes de LVMH, les intervenants du marché sont face à l’avenir et ils doivent l’imaginer.
Comme nous l’avons vu dans l’article sur l’analyse fondamentale, il existe des méthodes, des outils pour estimer la valeur d’une action. Ces outils fournissent un cadre très rationnel.
Malheureusement :
- Beaucoup d’investisseurs ne fournissent pas le travail d’analyse, même partiellement. Ils se contentent de courir avec la foule.
- Et ceux qui le font doivent définir des hypothèses sur le futur. Et ce n’est pas une chose facile que d’imaginer le futur. Il y a une part de subjectif.
Cette nécessité d’anticipation, est la première loi qui pousse la psychologie des intervenants dans ses retranchements. Examinons maintenant la seconde.
Les marchés sont peuplés de foules irrationnelles
Les biais individuels ne sont pas suffisants pour expliquer certains mouvements de cours brutaux dont les bulles spéculatives et les krachs sont les formes les plus extrêmes.
Il faut chercher une explication supplémentaire : Les marchés ne sont pas rationnels, en tout cas, pas tout le temps. Dans certains cas, ils se comportent comme un troupeau qui coure vers le bord d’une falaise en croyant échapper à un prédateur. D’autres fois, ils se précipitent tous pour acheter à n’importe quel prix la toute dernière affaire à la mode qui ne peut que montrer (car cette fois c’est différent) … avant de découvrir la réalité un peu plus tard.
Le lauréat du prix Nobel d’économie, Robert J. Shiller, a étudié en profondeur l’effet de troupeau, soulignant que « les gens ne décident pas de manière indépendante ce qu’il faut faire. Ils regardent ce que les autres font, et suivent le mouvement. » Cette tendance peut entraîner des comportements grégaires, souvent déconnectés de la réalité fondamentale des actifs.
« La raison pour laquelle la plupart des gens investissent n’est pas de gagner de l’argent, mais d’éviter d’être seul. » – John Maynard Keynes
La psychologie des foules est souvent façonnée par des biais cognitifs collectifs, comme l’a souligné Daniel Kahneman, prix Nobel d’économie. Ces biais peuvent entraîner des prises de décision irrationnelles à grande échelle.
Le biais de confirmation est particulièrement prononcé au sein des foules. Les investisseurs ont tendance à ne voir que les informations qui confirment leurs croyances existantes, créant ainsi des bulles d’optimisme ou de pessimisme excessives.
L’excès de confiance est un autre biais qui peut se propager au sein des foules. Lorsque de nombreux investisseurs sont convaincus du succès d’une tendance, cela peut conduire à des mouvements de marché excessifs, à la hausse ou à la baisse.
Les médias et les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans la formation de la psychologie des foules sur les marchés financiers. Les informations, qu’elles soient exactes ou non, peuvent se propager rapidement, influençant les perceptions et alimentant les comportements grégaires. L’effet de la viralité peut exacerber les mouvements de marché.
Nous avons donc identifié deux lois qui poussent la psychologie des intervenants dans ses retranchements : Les marchés anticipent et ils sont peuplés de foules irrationnelles.
Cette psychologie collective est ce que l’on appelle la psychologie des marchés.
Examinons maintenant la troisième loi.
Le chaos règne
En mathématiques, le chaos se réfère au comportement complexe observé dans certains systèmes dynamiques non linéaires. Sans rentrer dans une discussion trop théorique, je veux simplement mettre en avant quelques phénomènes qui font que les marchés financiers n’ont pas un comportement classique, linéaire :
- Sensibilité aux Conditions Initiales et Effet Papillon :
- Sensibilité aux Petits Changements : Conformément à la théorie du chaos, les marchés financiers réagissent de manière disproportionnée à de petites variations dans les conditions initiales. Par exemple, une petite variation par rapport aux hypothèses dans le business plan d’une start Up peut avoir une influence disproportionnée, sur elle même mais aussi sur le secteur d’activité.
- Effet Papillon : L’effet papillon est illustré par des événements apparemment insignifiants qui ont des répercussions considérables. Un ajustement des taux d’intérêt par une banque centrale dans un pays peut déclencher une série d’événements économiques complexes, influençant les marchés mondiaux de manière imprévisible.
- Non-Linéarité et Réponses Imprévisibles :
- Non-Linéarité des Relations : La non-linéarité des marchés financiers se manifeste lorsque des ajustements mineurs dans les variables ne correspondent pas à des réponses proportionnelles. Prenons un exemple lié à l’analyse technique, la réaction des marchés face à des niveaux de support ou de résistance. Le passage ou non de ces niveaux est en lui même une légère variation des cours, souvent moins de 1% ou 2%. Mais cette faible variation peut entraîner des mouvements d’accélération bien plus importants et parfois très rapides, non linéaires par rapport à la situation précédente.
- Difficulté de Modélisation : Les tentatives de modélisation mathématique des marchés financiers sont souvent confrontées à des défis liés à la non-linéarité. Par exemple, la réponse aux publications des résultats d’entreprises.
- Interactions Complexes et Adaptabilité :
- Interactions Multiples : L’interaction complexe entre divers participants sur les marchés crée des dynamiques difficiles à prévoir. Par exemple, les marchés peuvent réagir de manière inattendue aux commentaires d’un dirigeant d’entreprise ou aux discours de politique monétaire.
- Adaptabilité : Les marchés financiers sont caractérisés par leur adaptabilité constante aux nouvelles informations. La rumeur précède l’information. Et quand l’information arrive elle est analysée non pas en tant qu’information mais en tant que son écart par rapport à la rumeur. Une même information peut ainsi produire des résultats très différents selon le contexte et le niveau d’anticipation.
Cette nature chaotique des marchés est déroutante pour les investisseurs. Nous vivons essentiellement dans un monde que nous percevons comme linéaire. Notre cerveaux est habitué à cette linéarité. Nous ne sommes pas prêt à affronter un comportement chaotique tel que décrit ci-dessus.
Nous avons maintenant identifié trois lois qui permettent à la psychologie des marchés d’apparaitre : Les marchés anticipent, ils sont peuplés de foules irrationnelles, le chaos mathématique n’est jamais loin. Examinons maintenant la dernière.
Les marchés sont auto-réalisateurs
Dans une certaine mesure, les hypothèses des marchés ont la capacité à devenir des faits. En particulier quand la foule va dans le même sens.
- Effet de Cascade : Lorsqu’un grand nombre d’investisseurs commencent à vendre une action ou un actif particulier en raison d’informations négatives, cela peut déclencher une cascade de ventes. Cette pression à la vente va faire chuter le cours. Dans des cas extrêmes, cette baisse peut déstabiliser le conseil d’administration et les dirigeants et entrainer des affrontements qui vont eux-mêmes alimenter la baisse même si les informations initiales étaient relativement mineures.
- Prophéties Auto-réalisatrices : Les attentes des investisseurs peuvent parfois devenir une réalité. Par exemple, si de nombreux investisseurs anticipent des grandes difficultés sur les banques, ils peuvent vendre massivement les actions des banques ce qui en retour peut augmenter l’inquiétude des déposants des banques les plus faibles. Quand les déposants entrent dans la danse et retirent leurs dépôts, ils provoquent une panique bancaire (bank run). Ce qui va bloquer le marché interbancaire et mettre toutes les banques en difficulté. La prophétie est devenue auto-réalisatrice, elle a provoquée ce qu’elle anticipait.
- Réactions aux Événements Inattendus : Lorsqu’un événement inattendu survient sur les marchés, la réaction initiale des investisseurs peut souvent être exagérée. Cette réaction exagérée peut pousser d’autres investisseurs à réagir de manière similaire. Ils se disent : « Si ça baisse autant c’est que c’est grave », il faut que je vende aussi. Cela déclenche une spirale auto-réalisatrice de mouvements de prix.
Nous avons complété notre liste de quatre lois des marchés. Examinons les facteurs qui peuvent amplifier l’impact de ces quatre lois sur la psychologie des marchés financiers.
Les facteurs amplificateurs des effets de la psychologie des marchés
Certains facteurs peuvent effectivement amplifier l’impact de la psychologie des marchés :
- Manque de Liquidité : En période de stress financier, ou de façon plus durable sur les petites valeurs (small cap), la liquidité peut se tarir sur les marchés. Ce qui signifie que les transactions peuvent devenir plus difficiles à exécuter, et surtout à un prix moins favorable. Ce phénomène va amplifier les effets de la psychologie des marchés. Le problème du manque de liquidité n’est pas à négliger, en particulier sur les plus petites valeurs. En cas de baisse, la panique peut prendre des proportions quasi délirantes.
- Effets de Levier et Endettement : Il n’est pas rare qu’en période de bulle des actifs, une part importante des acheteurs se soient endetté pour acheter le maximum d’actions. L’utilisation excessive de la dette (ou de l’effet de levier), qui amplifie les gains mais aussi les pertes, place les intervenants de marché dans une situation de fragilité psychologique extrême quand les pertes commencent à s’accumuler.
- Trading Algorithmique : Les algo adorent aller faire envie ou peur aux investisseurs particuliers cela permet de créer de la liquidité sur le marché. C’est devenu une constante des marchés. Et cela accentue exacerbe les sentiments des investisseurs.
- Absence de Tendance Claire pendant une longue période: Lorsque les marchés manquent de direction claire pendant assez longtemps, cela semble créer de la tension, de l’impatience. Le plus souvent, les mouvements qui suivent sont plus violents que d’ordinaire.
- Couverture médiatique: Plus un marché ou une action dont le cours a déjà beaucoup évolué est exposée médiatiquement, plus les effets seront renforcés. Cette règle n’est toutefois pas toujours vraie, car l’exposition dans les grands médias généralistes peut dans certains cas extrêmes être au contraire le signe de la fin du mouvement de hausse ou de baisse. Mais dans les deux cas, cela va faire augmenter la volatilité.
La psychologie des marchés financiers
« Les erreurs d’investissement émanent souvent de l’ego et de la cupidité. Quand il est question d’argent, il est difficile pour certains de ne pas faire preuve de comportement irrationnel. »
Warren Buffett
Ce n’est pas exactement l’angle que Warren Buffett a pris ci-dessus, mais la psychologie des marchés, est souvent résumée de façon simplifiée par deux sentiments dominants :
- la peur
- et la cupidité.
Cette simplification, a le mérite d’être :
- largement quantifiable et mesurable y.c. au jour le jour (nous verrons cela dans la partie 2)
- et d’une bonne fiabilité
Afin de décrypter la psychologie des marchés, nous nous attacherons donc à détecter les traces de la peur et celles de la cupidité.
Conclusion de la partie 1
Nous venons de voir que les marchés obéissent à 4 lois :
- Les marchés anticipent.
- Les marchés sont peuplés de foules irrationnelles.
- Le chaos au sens mathématique du terme règne sur les marchés.
- Les marchés sont auto-réalisateurs.
Ces quatre lois mettent la pression sur le mental des investisseurs. Elles les poussent à agir de façon irrationnelle et pire encore en tant que foule irrationnelle. Leur psychologie collective, la psychologie des marchés financiers se lie à travers de la compréhension des niveaux :
- de peur
- et de cupidité.
Un moyen de nous protéger en tant qu’investisseur est de refuser la facilité. Nous devons analyser du mieux possible les sociétés, les indices, les ETF dans lesquelles nous investissons.
Ainsi, quand les marchés deviennent irrationnels, nous trouvons des opportunités pendant que les autres paniquent.
Mais nous pouvons faire encore mieux : Apprendre à lire la psychologie des marchés, comprendre les mouvements de la foule et utiliser ses mouvements à notre avantage. Cela permet d’acheter encore moins cher et de vendre encore plus haut.
Pour cela, continuez sur la partie2 de cet article et découvrez :
- Le rôle que joue le narratif dans la formation et la détection de la psychologie des marchés
- les moyens simples de mesurer les niveaux de peur et de cupidité du marché
- la façon concrète de suivre ces données sur epargnebourse.fr et ailleurs
A vous de jouer !
Cet article touche à sa fin, et j’espère qu’il vous a apporté des pistes de réflexion intéressantes. Si vous l’avez trouvé utile, n’hésitez pas à le partager en un clic :
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