Modifié le 15 novembre 2024 par epargnebourse.fr
Cet article consacré à Stellantis vise à vous livrer une analyse aussi complète et documentée que possible de la société Stellantis et de son action en bourse. N’hésitez pas à me donner votre avis dans les commentaires, ainsi qu’à me signaler erreurs et imprécisions.
Vous êtes ici sur la partie 1 d’un article qui comporte :
- Partie 1 : L’analyse de la stratégie, des parts de marché, des avis clients, de l’évolution des ventes
- Partie 2 : L’analyse des documents financier de la société
- Partie 3 : L’analyse des ratios de valorisation de l’action en s’appuyant sur la méthode décrite dans un article dédié.
- Partie 4 : L’analyse technique à long terme, moyen terme et court terme, selon les principes expliqués dans mes articles de formation, et la conclusion et synthèse.
Ces sous-articles seront mis à jours quand de nouvelles informations seront disponibles.
Je suis actuellement actionnaire de Stellantis :
- 1/3 de ligne acquise à 14.82 € par titre mi aout 2024.
- 1/3 de ligne acquise à 11.66 mi octobre 2024.
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Table of Contents
Historique
Stellantis a été formé par la fusion de PSA Group et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) en 2021. C’est l’un des plus grands constructeurs automobiles au monde. Stellantis opère un grand nombre de marques positionnées sur une grande variété de marchés.
L’origine du groupe est un point très important. Contrairement à une idée fausse trop répandue, les grands groupes constitués par fusion et acquisition sont plus fragiles et moins performants dans la durée que les groupes homogènes. Ces derniers opèrent moins de marques et disposent d’une culture plus forte et cohérente laissant moins de place aux conflits internes.
Ce point est abondamment documenté. Une étude publiée dans une grande revue Américaine (il me semble que c’était HBR) m’avait frappé il y a quelques années. Elle montrait que les fusions n’enrichissent en moyennes que les dirigeants des grands groupes, et que leurs actionnaires, leurs salariés et même leurs clients sont en moyenne tous perdants.
Des exemples concrets existent dans cette industrie :
- la fusion Daimler-Benz et Chrysler, souvent citée comme un cas où la fusion a échoué à réaliser les synergies espérées, ont montré comment des groupes hétérogènes peuvent avoir des difficultés à bien performer ensemble
- Et bien sur, l’alliance Renault Nissan qui s’est transformée en champ d’affrontement entre Français et Japonais avant d’être apparement pacifiée au prix de abandon de la recherche de synergies
➡ A retenir : Par construction, le groupe Stellantis est statistiquement plus fragile que des groupes homogènes. Cela ne veut pas dire qu’il va échouer, cela veut dire que statistiquement, il y a une probabilité plus forte de sous performance que de sur performance pour les actionnaires.
Gouvernance
Principaux Actionnaires
Comme nous le voyons ci-dessous, les deux familles fondatrices, Agnelli et Peugeot détiennent toujours une part importante du capital.
Situation à fin Août 2024 :
Le troisième investisseur est la BPI. En dehors de ces trois acteurs, l'actionnariat est plutôt éclaté.
Stellantis bénéficie donc d'un fort actionnariat familial, focalisé sur le long terme, complété par des actionnaires institutionnels, ayant eux aussi un horizon de long terme.
Dirigeants de Stellantis
La gouvernance de Stellantis repose sur deux personnages clefs, le président du conseil d'administration (Chairman) et le Directeur Général (CEO).
John Elkann - Président du Conseil d'Administration
Track Record: John Elkann, est petit fils par sa mère du grand Gianni Agnelli. Il est en particulier :
- président de Exor, la holding familiale des Agnelli
- président de Ferrari, autre actif stratégique de la famille Agnelli
- président de Stellantis
- ...
C'est un acteur clé dans la gouvernance de Stellantis où il a joué un rôle déterminant dans la fusion entre Fiat Chrysler Automobiles (FCA) et PSA Group, qui a donné naissance à Stellantis.
Le leadership de John Elkann est souvent caractérisé par une vision de long terme associée à une gestion prudente des risques.
Gouvernance et Influence: En tant que président, John Elkann veille à ce que Stellantis reste fidèle à sa mission d'innover tout en conservant des racines solides dans l'industrie automobile. Il soutient fortement les initiatives de Tavares et s'assure que la stratégie globale de Stellantis est alignée avec les intérêts des principaux actionnaires, y compris Exor (famille Agnelli), qui est le plus grands actionnaires de Stellantis.
Update du 20 Septembre 2024
Les procureurs italiens ont ordonné vendredi 20 Septembre 2024 la saisie préventive de près de 75 millions d'euros. Dans le cadre d'une enquête concernant John Elkann, et quatre autres personnes. L'enquête porte sur une fraude fiscale et successorales présumée. Le litige porte sur la succession de Gianni Agnelli, mort en 2003. A ce stade, il n'y a pas de condamnation, mais Stellantis n'avait pas besoin de cela en ce moment.
Carlos Tavares - Directeur Général (CEO)
Track Record: Carlos Tavares est un leader de l'industrie automobile, reconnu pour ses capacités de redressement et d'exécution stratégique. Ingénieur de Central Paris, il a grandi professionnellement dans un premier temps chez Renault et Nissan ou l'on disait qu'entre lui et Carlos Ghosn il y avait un Carlos de trop. Il finira par partir pour aller diriger PSA Group, où il a orchestré un retournement très spectaculaire de l'entreprise, la ramenant à la rentabilité après une période de lourdes pertes. Sous sa direction, PSA a également acquis Opel/Vauxhall auprès de General Motors en 2017.Là aussi, il a piloté un redressement spectaculaire.
Depuis la formation de Stellantis en 2021, Carlos Tavares a été central dans la fusion des cultures d'entreprise et des opérations des deux groupes (FCA et PSA). Il a mis l'accent sur la réduction des coûts, l'amélioration de l'efficacité opérationnelle et le lancement de nouveaux modèles.
Carlos Tavares fait depuis quelques mois face à des défis très importants, notamment les pertes de parts de marché, les performances décevantes en Amérique du Nord et des tensions avec les syndicats et les distributeurs.
Le profit warning du 30 Septembre 2024 va laisser une nouvelle tache sur sa réputation. La fin de son mandat s'annonce compliquée. Le groupe a d'ailleurs déjà annoncé avoir commencé la recherche d'un successeur. La question qui reste ouverte est celle des savoir si Carlos Tavares va aller au terme de son mandat ou si les difficultés actuelles vont mettre un terme à son rôle de CEO de Stellantis.
Analyse de la Gouvernance de Stellantis
Équilibre des forces des origines : La gouvernance de Stellantis est marquée par une diversité de leadership issue de deux continents différents (Europe et Amérique du Nord), combinant les forces de trois cultures d'entreprise (Ex PSA, Ex Fiat, Ex Chrysler). Cet équilibre semble avoir été un facteur clef pour réussir les premières étapes de la fusion.
Equipée en théorie pour l'optimisation : La gouvernance de Stellantis, constituée de grands professionnels de l'automobile a sur le papier tout pour réussir sur ses marchés historiques et continuer d'optimiser ses coûts et sa qualité. Mais depuis quelques mois, la machine s'est grippée. Stellantis ne délivre plus la performance annoncée.
L'apparition des problèmes opérationnels, et la dégradation des performances économiques mettent à l'épreuve le leadership de l'entreprise à un moment ou les défis de l'electrification sont immenses.
Mais quid justement des défis de l'électrifiction : Force est de constater que ni les grands actionnaires ni les deux principaux dirigeants ne disposent de l'ADN :
- d'un Elon Musk, CEO de Tesla, spécialisé dans l'innovation de rupture et dans le software. Capable de créer des fusées réutilisables ce que personne n'avait fait, donnant vie à nos rêves d'enfants lisant Tintin objectif Lune.
- ou d'un Wang Chuanfu CEO de BYD qui a fait ses armes dans la chimie des batteries avant de créer un géant de l transition énergétique.
Or les véhicules de demain, ne seront plus des belles carrosseries posées sur un chassis confortable et dynamique et mues par un moteur bruyant qui sent mauvais l'essence ou le gasoil. Les véhicules de Tesla et BYD sont déjà de belles carrosseries, confortables mais elles sont conçues autour des batteries et du software. Pour un constructeur comme Stellantis, tout est à repenser, tout, absolument tout. Exit les boîtes de vitesse, les moteurs polluants et bruyants, les logiciels un peu médiocres et relégués au rang d'accessoires. Bonjour les batteries et leur chimie, les moteurs électriques, le software et l'IA omniprésents au cœur de la voiture. Bonjour les nouveaux business modèles qu'ils permettent ou qu'ils permettront.
➡ A retenir : Le passage à l'électrique est un changement de business modèle. Ce n'est pas seulement l'évolution d'un portefeuille de produits.
Il y a donc ici un second point noir, le tandem dirigeant, aussi engagé et talentueux qu'il soit, n'est pas équipé pour ces nouveaux défis. Cela n'est d'ailleurs pas une exception dans cette industrie, ni en général dans celles qui subissent des disruptions.
Il faudrait se livrer à une analyse très approfondie, un ou deux niveaux en dessous pour vérifier si des hommes et des femmes ont :
- l'expérience de ces sujets (software placé au coeur des "business model", IA à grande échelle, batteries, ...)
- le mandat et les moyens pour les porter
- la puissance politique interne pour emporter les décisions, casser les codes, briser les résistances et les status quo, ...
Insider trade
Dernière mise à jour le 15 Novembre 2024.
Comme Stellantis est aussi cotée aux USA, il est plus facile de trouver de l'information sur les achats et les ventes d'actions par les dirigeants.
Par ailleurs, les dirigeants ont l'obligation de déclarer les mouvements dans un délais de 2 jours, les données sont donc généralement fraîches.
Ces informations sont toujours un peu difficiles à interpréter. En particulier car les dirigeants bénéficient de volumes importants d'actions attribuées au titre de leur rémunération et qu'ils en vendent en général régulièrement, il est donc assez courant d'avoir un flux vendeur de la part de dirigeants.
Dans le cas de Stellantis, je retiens surtout :
- Des ventes d'actions de la part des dirigeants, en particulier vers les 22$ / titre en Mai 2024 de la part de Messieurs Elkann et Tavares. Ces ventes sont importante en volume (3.5 Millions de titres vendus par M Tavares. Mais restent faibles en comparaison du volume alloué (24.3 Millions de titres attribués à M Tarares).
- Et quelques achats beaucoup plus faibles et plus anciens et surtout vers 14$ / titre.
Sources :
A ce stade :
- Les dirigeants, même s'ils vendent des titres, l'on fait bien à des niveau de cours plus haut que le cours actuel.
- Et, ils n'ont vendu qu'une petite part des volumes attribués
L'analyse des "insider trade" est à manier avec des pincettes mais elle semble plutôt positive pour le titre. Et la zone de prix actuelle (12.5 / 15 €) ne semble pas constituer une zone de vente pour les insiders, elle était même une ancienne zone d'achat.
Conclusion sur l'actionnariat et la gouvernance :
La présence d'un puissant actionnariat familial, assurant la présidence du conseil d'administration est en général un très bon facteur de succès pour le long terme. Cela incarne, une histoire, une continuité mais surtout une volonté de rentabilité de long terme.
Le président du conseil d'administration et le CEO sont deux personnalités reconnues, et qui ont construits de nombreux succès, c'est aussi un gage de rentabilité à long terme.
A court terme, la persistance des problèmes opérationnels aux USA me pose problème. Il y a à la tête de Stellantis deux grands professionnels de l'automobile qui sur le papier devraient délivrer une performance de très haut niveau. Mais dans les faits, cela n'est plus le cas, c'est un problème. Quand un tel tandem commence à accumuler des courses perdues, on doit se poser des questions : Problèmes temporaires ? Début de déclin ? ou fin de carrière ?
Le 11 Octobre 2024, le groupe a annoncé des changements d'organisation et de leadership. Ce qui inclus le départ de la CFO. Le profit warning lui a probablement coûté son poste. Le communiqué insiste essentiellement sur l'amélioration de l'efficacité opérationnelle. Il est à noter que le groupe annonce que le role de certains leaders (Carlos Zarlenga, ...) remplacés sera communiqué ultérieurement. Il faut donc s'attendre à une seconde vague de réorganisation.
A plus long terme, se pose la question de la capacité de la gouvernance actuelle à incarner un leadership innovant et positif face à BYD, Tesla, ... dans le domaine de l'électrification.
Seul élément vraiment positif, en dehors de quelques mouvements minoritaires, ni les grands actionnaires, ni les dirigeants ne semblent se dégager du titre, bien au contraire ce qui est par contre une bonne chose.
Stratégie
Avec l'apparition de pure players sur le marché des véhicules électriques, l'industrie automobile vie une période difficile. Dans une large mesure, cela me fait penser à ce que les grandes compagnies aériennes ont vécues avec l'arrivée des Low Costs. L'histoire est presque toujours la même. Elle a emporté Kodak, Nokia, Blackberry, ... En France, elle a fait tomber Air France de son pied d'estale, et fait disparaître Arcelor absorbé par Mittal, ...
C'est la menace existentielle que posent Tesla et les constructeurs Chinois de VE au groupe Stellantis et aux autres.
Suite à un commentaire de lecteur que je remercie, je voudrais clarifier le point suivant :
- Je ne considère pas qu'il soit facile de piloter un constructeur généraliste de la taille de Stellantis.
- C'est une tâche immense qui requière une somme gigantesque de talent et de détermination, ...
- Mais, il est également très difficile d'opérer Tesla, BYD ou n'importe quel autre grand acteur des VE. Ils ont tout à inventer.
- Les constructeurs généralistes comme Stellantis sont face à un double défi. Ils doivent rester excellents sur les thermiques et devenir tout aussi excellents sur les VE. Cela fait deux combats à mener pour des gens comme Stellantis.
Positionnement
Commençons pas le groupe lui même. Stellantis, d'où vient ce nom ? Le site corporate indique : "STELLANTIS is rooted in the Latin verb “stello” meaning “to brighten with stars”.
J'ai un avis personnel assez tranché sur ce type de sujet : De façon général, je ne suis pas fan des groupes dont le nom est à ce point là déconnecté des noms des marques et des noms des produits. Je pense que pour 90% des gens, le nom Stellantis, n'exprime rien, ne porte aucune valeur, aucune image. Chaque fois que le groupe parle de Stellantis, chaque fois qu'il dépense 1 €, 1 $ dans un logo, une communication, il a raté l'opportunité de dépenser 1 €, 1 $ dans une de ses marques.
Pour se consoler, on se dira que "Stellantis" c'est mieux que s'ils avaient nommé le groupe FCA-PSA.
Le groupe gère un portefeuille de marques très large hérité des nombreuses fusions et acquisitions. Ce portefeuille n'a pas subi d'opération de nettoyage ni de repositionnement. Les positionnements actuels semblent plutôt refléter un héritage historique qu'une stratégie de portefeuille de marques.
Le portefeuille est illustré par l'image suivante extraite du site media du groupe.
Stellantis n'opère d'ailleurs que deux marques mondiales : Jeep et Maserati. Ces marques mondiales de Stellantis ne semblent pas être positionnés de façon particulièrement volontariste. Ceci contraste avec ce qui se passe chez Toyota (marques Toyota, Lexus) ou Volkswagen (marques Audi, Lamborghini). Jeep qui pourrait prétendre à devenir LA marque mondiale de Stellantis semble être considérée comme une marque, parmi beaucoup d'autres.
En dehors de Jeep (et de Maserati), Les autres marques de Stellantis sont essentiellement des marques régionales (Peugeot, ...), voir nationales (Vauxhall).
Le groupe se présente comme un constructeur généraliste. Examinons cela en partant du plus haut du marché pour aller vers le bas :
- Le groupe, n'a pas de marque positionnée sur le marché royal des automobiles de Luxe (Ferrari, ...). Le plus gros actionnaire de Stellantis, la famille Agnelli ayant aussi le controle de Ferrari, il n'y a d'ailleurs aucune raison d'imaginer que Stellantis se développe sur ce marché.
- Juste en dessous, le marché des sportives de haut de gamme est dominé par Porsche. La marque Maserati est positionnée sur ce marché mais ses ventes sont dérisoires par rapport à celles de Porsche. Et, les ventes de Maserati sont en chute libre (voir partie 2).
- Via certaines marques, en particulier en Europe (DS, ...), Stellantis, est marginalement présent sur le marché du premium. Mais il n'a pas de marque forte dans ce segment, contrairement aux Allemand Mercedes et BMW ou à Land Rover .
- En "bas du marché", Stellantis, n'est pas particulièrement présent sur le low cost en Europe. Il n'a par exemple pas de marque équivalente à Dacia.
Le groupe Stellantis, n'a pas non plus de marque dédiée au marché des véhicules Electriques comme les véhicules de Tesla et de BYD par exemple. Il a fait le pari d'électrifier ses propres marque. Ce qui ne semble pas être couronné de succès.
Cela est un double problème. Car d'une part le segment des VE est en forte croissance, mais c'est aussi le segment le plus porteur d'innovation :
- Véhicules hautement digitalisés avec par exemple des mise à jour et correctifs à distance,
- Véhicules autonomes ouvrant aussi la porte à de nouveaux business models. ...
- Possibilité d'extension business vers les batteries, les chargeurs, le stockage d'électricité
- ...
Alors, certes, Stellantis a signé un partenariat avec le chinois Leap Motor pour prendre 20% du capital et commercialiser des véhicules en Europe. Mais, il me semble que globalement, la stratégie électrique de Stellantis ne brille ni par sa clarté ni surtout par son efficacité.
En pratique, Stellantis, est donc essentiellement un groupe qui commercialise à grande échelle un large portefeuille de marque de véhicules de moyen de gamme, majoritairement "régionaux", attractifs, optimisés mais moyennement innovants.
Malheureusement, dans beaucoup d'industries, ce grand marché, central est considéré comme le ventre mou du marché. C'est là ou se trouve le gros du volume mais c'est aussi un marché difficile, structurellement moins rentable que le luxe ou le low cost. Il est aussi moins dynamique en terme de croissance.
➡ A retenir : Le marché du milieu de gamme est souvent le moins rentable et celui ou la concurrence est la plus féroce. Les marché de haut de gamme, du luxe et le low cost sont généralement plus profitables et moins encombrés.
Sur un tel marché, la stratégie la plus adaptée est celle que poursuit Stellantis :
- la maîtrise constante, quasi obsessionnelle des coûts unitaires. Avec le risque, parfois d'aller trop loin et de dégrader la qualité.
- la course à la taille
- la "plateformisation" combinée avec la recherche de facteurs de differentiation "de surface", par exemple esthétiques permettant d'augmenter la qualité perçue (et le prix de vente) sans augmenter de façon proportionnelle les coûts
Sauf à un repositionnement majeur de certaines marques vers des marchés plus porteurs, il ne faut donc pas s'attendre à une croissance forte du chiffre d'affaires de Stellantis. La performance du titre Stellantis devrait rester très liée à la capacité de la société à délivrer selon les trois axes ci-dessus.
Je vois sur les forums boursiers des investisseurs qui comparent les niveaux de cherté du titre Stellantis avec ceux de Tesla, Porsche ou Ferrari. Ces groupes n'ont rien à voir. Avec le portefeuille de marques positionnées comme elles le sont, Stellantis restera durablement valorisée pour beaucoup moins cher (PER, multiples d'EBITDA, ...) que ces groupes.
Stellantis n'est pas construite ni dirigée autour d'une histoire de très forte croissance. Elle est très probablement construite pour préserver le capital à long terme, limiter le risque financier pour les familles et les autres actionnaires tout en maximisant le retour sur capital pour ces mêmes actionnaires.
La société laisse les innovations de rupture et les marchés à forte croissance à d'autres, c'est un choix, il faut en avoir conscience, et ne pas rêver de Stellantis atteindre des PER de l'ordre de grandeur de ceux de Ferrari ou de Tesla.
Qualité percue
Comme il l'avait fait avec un grand succès avec Peugeot puis Opel, C Tavares pousse à la montée en gamme des produits. Attention, il ne s'agit pas de changer les produits de segment de marché. Le temps n'est pas venu pour Maserati de commercialiser des super car pouvant se battre avec Ferrari ou pour Lancia de devenir la marque premium capable de se battre avec Mercedes. Il s'agit d'améliorer les produits de manière à ce que la qualité perçue soit en hausse mais sans pour autant augmenter les coûts de production de façon proportionnelle. C'est ce que j'appelais plus haut de la "différentiation de surface".
Il n'est pas facile de trouver des données sur le sujet de la qualité perçue. J'ai trouvé ceci pour l'amérique du Nord (source : https://www.edmunds.com/car-reviews/) que je reproduis ci-dessous :
Sur 40 modèles des différents top 5, il y a un seul et unique modèle de Stellantis : Le Ram 1500. Visiblement, la qualité perçue n'est pas au rendez vous. C'est un vrai problème.
Parts de Marché de Stellantis
Comprendre l'évolution des parts de marché est un aspect crucial de l'analyse fondamentale d'une société. L'évolution des pdm est très souvent un indicateur avancé des désastres et des succès futurs.
Performance Globale
Je n'ai pas trouvé de source assez précise des pdm sur la totalité du marché, mais j'ai trouvé les CA par trimestre des principaux constructeurs. Analyser l'évolution de ces CA nous donne une bonne compréhension de l'évolution des pdm.
Le graphique suivant représente le CA en $ des principaux groupes automobiles. Sur PC, vous pouvez voir les données en passant la souris au dessus. Sur mobile, il vous suffit de toucher les points pour afficher les données.
La dynamique des CA est claire, tous les constructeurs sur ce graphique ont un CA qui augmente davantage que Stellantis. En deux ans, tous, prennent des parts de marché à Stellantis...
Performance par rapport aux généralistes
Stellantis, qui est un constructeur généraliste, perd des parts de marché contre l'ensemble des autres grands constructeurs généralistes. Nous verrons plus loin si ses concurrents ont obtenus cette performance en sacrifiant la rentabilité, mais c'est un signe très inquiétant, et cela d'autant plus qu'il perdure dans le temps.
Performance par rapport aux pure players de l'électrique
L'électrification est décrite comme un axe clé par Stellantis qui a beaucoup de retard en la matière. Stellantis revendique des investissements très importants dans les nouvelles plateformes électriques. Stellantis a par ailleur signé un partenariat important avec Leapmotor constructeur spécialisé chinois en très forte croissance. Ce sont là des indicateurs positifs pour l'avenir.
Je n'ai pas trouvé le volume de VE vendu par chacun des grands constructeurs dans le monde. Mais ont peut quand même avoir une bonne idée de la performance de Stellantis en examinant l'évolution de son CA face aux champions de l'électrique :
- Au Q1 2022, Stellantis générait un CA égal à 1.7 fois celui de BYD et Tesla cumulés
- Au Q1 2024, Stellantis ne génère plus qu'un CA égal à 1.2 fois celui de BYD et Tesla cumulés
- Au Q2 2024, Stellantis ne génère plus qu'un CA égal à 0.94 fois celui de BYD et Tesla cumulés
Alors que Tesla et BYD partaient de CA en 2022 bien inférieures à Stellantis, ils réalisent des progressions beaucoup plus importantes que le groupe Stellantis qui perd des parts de marché sur ce segment très dynamique à une vitesse très impressionnante.
On peut aussi se référer à l'excellent site EU-EV qui permet de visualiser à quel point, même en Europe le groupe Stellantis perd des parts de marchés dans les véhicules électriques. Le graphique ci-dessous donne les parts de marché des 8 plus gros groupes vendeurs de VE en Europe :
Source : https://eu-evs.com/marketShare/ALL/Groups/Bar/All-time-by-Quarters
Le marché des véhicules électriques ne progresse pas aussi vite qu'attendu, en particulier compte tenu de la baisse des subvention. Mais cela reste un marché très dynamique à l'échelle mondiale. Et, avec Tesla, BYD, Geely et d'autres à la manoeuvre, le mouvement est inarrêtable, il est profond, il est dysruptif. La situation actuelle des grands constructeurs généralistes comme Stellantis me fait penser à celle des grandes compagnies aériennes dont Air France qui 15 ans en arrière regardaient avec scepticisme les compagnies low costs avant que petit à petit, années après années, ces dernières ne prennent le dessus sur les vols court/moyen courrier.
Il y a urgence pour Stellantis car l'expérience montre que une fois que les leaders d'un nouveau marché sont installés il devient extrêmement difficile, voir quasiment impossible de reprendre le terrain perdu.
Analyse géographique
Europe
Stellantis a historiquement été un acteur majeur sur le marché européen, notamment grâce aux marques héritées de PSA, telles que Peugeot, Citroën, et Opel, ainsi qu'aux marques FCA comme Fiat. En 2023 et 2024, Stellantis a conservé une position de leader en Europe, avec une part de marché d'environ 20%. Toutefois, cette position a été mise à rude épreuve par la concurrence accrue des véhicules électriques (VE), où Stellantis est encore en phase d'expansion de son portefeuille de produits.
En Europe, Stellantis est le leader dans le segment des véhicules utilitaires légers (VUL), avec une part de marché significative, soutenue par des marques comme Peugeot et Citroën (Stellantis.com).
Le graphique suivant présente les parts de marché des groupes Renault, Stellantis et Volkswagen en France, Allemagne et en Italie.
Amérique du Nord
En Amérique du Nord, la situation est plus complexe. Stellantis a perdu et continue de perdre des parts de marché, principalement en raison d'une baisse des ventes de certaines de ses marques phares comme Chrysler et Jeep. Cette baisse est attribuée à plusieurs facteurs, dont des lacunes dans la gamme de produits et une concurrence intense sur le marché des SUV et des pick up, dominé par Ford et General Motors.
Le marché nord-américain reste crucial pour Stellantis, mais l'entreprise doit relever des défis significatifs pour regagner des parts de marché, en particulier face à l'émergence des véhicules électriques. Les efforts récents pour moderniser des modèles comme le Ram 1500 et élargir la gamme de véhicules électriques seront déterminants pour regagner du terrain (Stellantis.com).
Amérique Latine et Marchés Émergents
Stellantis a enregistré une solide performance en Amérique latine, où elle est leader sur plusieurs segments. En particulier, Stellantis domine le marché brésilien avec des marques comme Fiat, qui est la marque la plus vendue dans la région. La société a su tirer parti de sa forte présence manufacturière et de sa distribution locale pour maintenir et accroître ses parts de marché.
De plus, Stellantis gagne du terrain sur les marchés émergents en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie grâce à des initiatives stratégiques, comme la joint-venture avec Leapmotor en Chine, visant à introduire des véhicules électriques à bas coût (Stellantis.com).
Conclusion de l'analyse des part de marché
Du point de vue des parts de marché, la situation et la dynamique mondiale de Stellantis ne sont pas bonnes, c'est peu de le dire. Le groupe qui est positionné principalement sur les segments de produits les moins dynamiques fait significativement moins bien que l'ensemble de ses concurrents. La perte de parts de marché aussi importantes pendant 2 ans sur ses marchés historiques, combinée avec l'absence de résultats probants sur le marché des VE est un grave problème pour la société et pour le titre.
Conclusion de la partie 1
Passé la lune de miel initiale de 1 ou 2 ans, Stellantis, comme c'est souvent le cas pour les groupes formés par agglomération d'entreprises très différentes (cf Air France / KLM ou Renault / Nissan, ...) a du mal à trouver un second souffle. Air France / KLM en est sortie KO avec un cours de bourse descendu aux enfers. Et l'alliance Renault / Nissan a fini par renoncer à ses rêves de synergies pour ne pas exploser.
Le groupe Stellantis dispose d'actionnaires familiaux solides qui ne laisseront pas leur capital s'éroder sans réagir fortement. Stellantis dispose de dirigeants solides qui restent eux aussi fortement actionnaires mais les incertitudes sur la capacité des dirigeants à traiter les problèmes et anticiper le futur commencent à s'accumuler.
Le portefeuille de marques de Stellantis délaisse les segments les plus porteurs (Low cost, Sportives, Luxe) et n'a pas été restructuré. Par ailleurs, sa stratégie électrique changeante, et peu lisible ne semble pas fonctionner pour le moment.
Sans grande surprise, l'entreprise n'arrive pas à en gagner de PDM sur les véhicules électriques. Mais plus problématique compte tenu du track record de M Tavares, elle en perd depuis 2 ans sur ses marchés historiques des véhicules thermiques.
Les dirigeants sont conscients des problèmes mais ils tardent à redresser la barre. En attendant, le cours de bourse est revenu aux niveau des plus bas de 2022.
Vous pouvez continuer votre lecture avec la seconde partie de l'article qui analyse les données financières et celle de la concurrence
Nous verrons dans la troisième et dernière partie (en cours d'écriture) si la baisse du titre qui a atteint de très faibles multiples de valorisation (ratio P/E, rendement du dividende, ...) pourraient rendre l'action attrayante. Puis dans la quatrième si l'analyse technique du titre montre un changement de perception des investisseurs.
A vous de jouer !
Cet article touche à sa fin, et j’espère qu’il vous a apporté des pistes de réflexion intéressantes. Si vous l’avez trouvé utile, n’hésitez pas à le partager en un clic :
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